Fernand Mourlot, lithographe

Joan Miró

En 1939, Joan Miró se trouvait avec sa famille à Varengeville près de chez Braque, avec lequel il était en très bons termes. Braque a dit : -"Faites donc des lithos. C'est très simple. Vous allez prendre un papier spécial, vous allez faire vos dessins, puis on les décalquera, vous verrez ce sera très bien."

Miró a écouté ce conseil et a commencé à faire des papiers reports, il a exécuté une cinquantaine de planches, qu'il a gardées parce que l'avenir s'obscurcissait et qu'on ne savait pas trop ce qui allait arriver; c'est la fameuse série dite Barcelone, on va voir pourquoi. Puis un beau jour, en 1940, on commença à bombarder la côte et il fallut partir, Miró, sa femme Pilar et leur fille; quand ils arrivèrent à Barcelone, il chercha un imprimeur pour tirer ses lithos. Il avait un ami qui s'appelait Joan Prats, un charmant garçon, chapelier de son état, que j'ai connu par la suite. Miró n'avait pas d'argent, Prats en avait un peu, ils ont trouvé un petit artisan qui travaillait tout seul, il a décalqué les cinquante lithos et il a tiré de chacune sept épreuves, d'abord parce qu'ils n'avaient pas beaucoup d'argent (c'était Prats qui payait), et puis Miró n'avait guère d'amateurs à ce moment-là. Voilà pourquoi cette suite en noir, très belle, s'est appelée Barcelone... Prats à gardé une série, Miro une autre, peut-être en a-t-on donné une à l'imprimeur, il en restait donc quatre ou cinq à vendre; elles l'ont été et sont extrêmement rares...

Fernand Mourlot, Gravé dans ma mémoire, Robert Laffont édit., 1979


Le Chien aboyant à la lune, 1952 (Mourlot 121)


... Après la libération, Miró revint à Paris et c'est là qu'il découvrit vraiment la lithographie.

Un de nos meilleurs pressiers lui fut attaché : Célestin, qui deviendra un ami du peintre catalan. Entre eux s'établit rapidement une entente telle que le meilleur résultat était obtenu dans le travail. Ce que souhaite Miró qui ne parle guère, Célestin le devine; quelques paroles suffisent, confirmant le désir de l'un et la compréhension de l'autre.

C'est en 1947 qu'il réalisa à l'atelier sa première lithographie en couleur pour le frontispice du catalogue de l'Exposition Internationale du Surréalisme, dont il composa également l'affiche. Passionné par le procédé, il devait par la suite dessiner de nombreuses lithographies, en noir, sur pierre, la magnifique série de l'Album 13, en 1948, et dessinait de nombreuses lithographies notamment pour des livres de ses amis poètes, pour André Breton, Benjamin Péret, René Char, Tristan Tzara, Iliazd, André Verdet...Chaque fois, Il composait ses affiches pour ses expositions à la galerie Maeght et collaborait en outre à la revue Derrière le Miroir, réalisant seul, plusieurs numéros exceptionnels.

Vers la fin des années 60, comme je l'avais déjà fait pour Picasso, Chagall et Braque, je lui proposai d'éditer le catalogue complet de ses lithographies, ce qu'il accepta aussitôt et collabora activement au projet. Le premier volume avec une préface de Michel Leiris fut publié en 1972, enrichi de 12 superbes compositions originales.